Extrait de Chapitre V - Révélations

Publié le par konda galner

Je le vis s’avancer, s’arrêter à hauteur des deux géants. Ils discutèrent un moment, qui me sembla durer une éternité, je n’entendais que des bribes de leur conversation, incompréhensibles, et beaucoup trop hachées. Puis, je les vis s’écarter, pour laisser s’avancer mon père. Ils tournèrent alors leurs regards vers moi, m’invitant tacitement à prendre sa suite. Je sentais une pression croissante émanant des deux gardiens, ainsi que le flux chaotique imprévisible de la horde derrière moi. Peut être ceux qui souhaitaient fondre sur moi hésitaient en vertu d’une quelconque attente ou désir d’un puissant, peut être juste les deux êtres qui m’attendaient les tenaient en respect. Devant moi, la sérénité terrifiante d’un rempart infaillible, derrière, un flot de haine et de violence, mue par la peur. Et j’étais là, au milieu des mâchoires de cette tenaille funeste. Ma mémoire et ce que je suis devenu maintenant altèrent certainement mes souvenirs, mais je me rappelle qu’étrangement, je me sentais parfaitement calme. Ce n’était pas… de la résignation. Non, ce n’était pas ça. Je me sentais en dehors de mon propre corps, je ne le sentais presque plus. Il m’obéissait toujours, mais comme un automate dépourvu de la moindre sensation nerveuse. J’avais juste un choix : faire un pas vers une fin très probable, ou reculer vers une mort certaine. Je levais les yeux vers mon père, qui m’attendait au-delà, je vis toujours cette colère, cette rage sourdre de la même manière que lorsqu’il a traîné ma carcasse jusqu’ici, mais je lus aussi dans son regard de l’inquiétude. Le temps filait au ralenti pour moi, j’avais conscience du plus infime mouvement qui survenait autour de moi, je voyais tout se dérouler comme si les rouages de l’horloge battant le rythme des secondes était retenus et ralentis. Qu’était ce à ce moment là ? Un état de conscience supérieur soudain ? Une réaction d’abandon de soi dans une situation désespérée ? Je ne sais toujours pas à vrai dire. Mais c’est dénué de toute peur, que j’ai avancé. Peu importe ce qui allait arriver, mais je ne voulais plus être une marionnette, donc, j’avais décidé d’agir. Quelques pas encore, les deux géants me dominaient totalement, par leur simple présence. Je ressentais toujours cette pression terrible, mais elle ne me paralysait plus. Quelques pas encore, mon père, au-delà du seuil, me semblait fabuleusement loin. Les deux frères étaient en tout point semblables, cependant, je pensais discerner par leur aura, qui était l’un et l’autre. Ils me faisaient face, immobiles, muets et impassibles, jusqu’à ce que je parvienne à leur hauteur. 

- Le fils à présent, a donc décidé de passer. Mais pourquoi crois tu que nous allons te laisser franchir cette salle ? Pourquoi d’ailleurs, souhaites tu donc entrer ? Que viens tu chercher ici ?

 

La voix de Mensonge me pénétrait comme une lame, résonnant en moi plus que je ne l’entendais. Ces paroles, pourtant simples, je les ressentais comme le viol perpétré par un inquisiteur cherchant à m’arracher mes secrets. Quelques instants avant, je n’aurais pu répondre, mais je sentais ma conscience flotter en dehors de mon corps, et je dois sûrement à cet état particulier d’avoir eu la capacité de répondre.

 

- Pourquoi je viens ici ? A vrai dire, je ne le sais pas vraiment. Par la force des choses, et parce que je n’ai pas d’autre choix que celui de suivre mon père. Parce que je veux le rejoindre, et que je veux comprendre. Et vous me laisserez passer, parce que si j’en crois la meute grouillante qui nous suit, ce qui se passe ici est suffisamment unique pour être digne d’intérêt. Cela manquerait singulièrement de panache, de tout achever par une simple interdiction de franchir le seuil.

 

Vérité se tourna vers moi, et m’annonça le verdict. Sa voix m’emplit aussi, mais différemment, l’impression sinueuse et violente de son frère faisait place à une certaine clarté, limpide, transparente, et légère.

 

- Bien…. Est-ce là l’innocence de la jeunesse et une certaine pudeur qui font l’éclipse d’une grande raison par une plus petite ? Tu présentes une certaine habileté naturelle dans la dissimulation par la présentation de l’évidence, en plus d’un don d’observation et d’analyse de ce qui t’entoure et que tu ne comprends pas. Ta réponse est acceptable, à l’heure actuelle. Mais il faudra trouver autre chose la prochaine fois.

 

- Je peux donc passer ?

 

- Oui, tu peux, si tu le souhaites toujours. Ah, petit, rends nous un service aussi, veux tu ? Salue donc ta maman de notre part, elle n’est pas sortie depuis bien longtemps.

 

- Je vais… voir ma mère ?

 

- N’es tu pas là pour ça ? Non, ne prends pas le risque de répondre, tu risquerais d’être finalement refoulé. Va vite, ton père attend toujours. Et à l’avenir, évite de nous confondre, mon frère et moi. Le mensonge est souvent doux à l’oreille, contrairement à une vérité difficile à encaisser.

Publié dans oeuvre en cours

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article